Pratiquer le double standard (le deux poids deux mesures) revient à simultanément :
- Négliger, passer sous silence ou nier, des éléments factuels qui ne servent pas la poursuite d’un agenda politique donné,
- Accepter les narratifs produits par les parties que l’on souhaite soutenir en s’abstenant d’exercer tout esprit critique et en renonçant à la rigueur épistémologique qui devrait s’imposer.
L’usage conscient du double standard » est incontestablement une forme de « propagande ». Lorsque l’usage est inconscient on parle de biais cognitif.
Cette définition étant posée, depuis le début du conflit en Ukraine, on peut constater que le double standard est la règle suivie par les états dits « démocratiques » mais aussi par la majorité des journalistes.
Cependant, depuis quelques semaines, quelques mois, certains postulats sont irrémédiablement remis en question.
PREMIER POSTULAT : SEULE LA RUSSIE NE RESPECTE PAS LE DROIT HUMANITARE
Le 4 août 2022, Volodymyr Zelensky accusait « AMNESTY INTERNATIONAL » de «tenter d’amnistier l’État terroriste» de Russie.
L’ONG portait contre l’armée ukrainienne une accusation déjà formulée à son encontre par d’autres organisations, à savoir l’installation de bases militaires dans des écoles et des hôpitaux et le lancement d’attaques depuis des zones peuplées ».
Le 4 août 2022, Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International, s’exprimait en ces termes :
« Les forces ukrainiennes mettent en danger la population civile en établissant des bases et en utilisant des systèmes d’armement dans des zones résidentielles habitées, notamment des écoles et des hôpitaux, lors des opérations visant à repousser l’invasion russe qui a débuté en février. Ces tactiques de combat violent le droit international humanitaire et mettent gravement en danger la population civile, car elles transforment des biens de caractère civil en cibles militaires.
Les frappes russes qui en ont résulté dans des zones habitées ont tué des civils et détruit des infrastructures civiles. « Nous avons réuni des informations sur de nombreux cas où les forces ukrainiennes ont mis en danger des civils et violé les lois de la guerre en opérant dans des zones habitées »
Ces accusations ne font que confirmer le contenu d’un rapport de 2019 de Human Rights Watch selon lequel, dans le cadre de la guerre du Donbass, «les 2 parties menaient des attaques aveugles ou délibérées contre des écoles et les ont utilisées à des fins militaires ».
Par ailleurs, on peut citer notamment un rapport de juillet 2021 de la Mission de surveillance des droits de l’homme des Nations Unies en Ukraine, lequel a condamné la détention arbitraire et la torture par le gouvernement ukrainien et les groupes armés non gouvernementaux tout au long du conflit dans l’est de l’Ukraine.
Selon un rapport d’Amnesty international antérieur à celui critiqué par le V. Zelensky, la mission de surveillance des droits de l’homme en Ukraine [ONU] « a aussi signalé au moins neuf cas d’arrestation arbitraire de personnes civiles par des agents du SBU. (Services secrets ukrainiens).
Le même rapport précise que :
« De très nombreuses atteintes au droit international humanitaire commises dans le passé par les deux camps en présence dans le conflit n’avaient toujours donné lieu à aucune enquête.
Rien n’a été fait pour que justice soit rendue aux victimes de disparitions forcées, d’actes de torture et de détention illégale aux mains de membres du SBU dans l’est de l’Ukraine entre 2014 et 2016. Les autorités continuaient en outre de nier tout recours à des prisons secrètes. Les investigations en cours n’avaient toujours pas permis d’identifier un seul auteur présumé. »
Par inadvertance et sans réaliser la portée de ses propos, le 13 mars 2022 à 20 H 30 sur France 2, l’envoyée spéciale Maryse Burgos expliquait naïvement que les femmes ukrainiennes utilisaient les écoles comme usine de fabrication des cocktails Molotov.
On rapportera ensuite la destruction d’une école par les Russes sans se poser la question de l’intérêt politique d’une opération visant une école non reconvertie à usage militaire.
Autre fait important, en mars 2022 à l’occasion de l’attaque de Stara, « selon un rapport de l’ONU du 29 juin 2022, des soldats ukrainiens ont pris position à l’intérieur de la maison de retraite quelques jours avant l’attaque, plaçant une cible sur le bâtiment. Au moins 22 des 71 patients ont survécu à l’assaut, mais le nombre exact de personnes tuées reste inconnu »
« Le HCDH ne conclut pas que les soldats ukrainiens ou les séparatistes soutenus par Moscou ont commis un crime de guerre, mais il a souligné que l’incident était emblématique des préoccupations du bureau de l’ONU concernant l’utilisation potentielle de «boucliers humains» pour empêcher les opérations militaires dans certaines zones. »
DEUXIEME POSTULAT : SEULE LA RUSSIE CONTRÔLE ET MUSELE LA PRESSE
Liseron Boudoul, envoyée spéciale pour TF1, s’est vu interdire l’entrée en Ukraine par le gouvernement Ukrainien qui l’a inscrite sur une liste de journalistes considérés comme terroristes, et ce, parce que ses reportages n’ont pas plu.
Face à cette situation, elle déclarerait : « cela m’a surprise car je considère que je suis journaliste. Et quel que soit le camp où je me retrouve, je travaille avec la même rigueur, avec le même état d’esprit : il s’agit de comprendre une situation et ne pas la juger. »
Il y a peu, V. Zelenski exprimait sa colère en réaction à un reportage de C.B.S. dans lequel il était affirmé que seul 30 % des armes livrées par l’occident arrivaient à destination, forçant ce média à s’autocensurer et à produire un article édulcoré.
Les exemples d’un Président Ukrainien imposant son narratif aux médias occidentaux et s’offusquant de la moindre déviation par rapport à la ligne ukrainienne sont désormais légion.
TROISIEME POSTULAT : LES POPULATIONS DU DONBASS MÊME RUSSOPHONE NE SOUHAITAIT PAS ETRE RATTACHEES A LA RUSSIE
Voici ce que dit Liseron Boudoul sur le sujet :
« Toutes les personnes que j’ai rencontrées dans le Donbass m’ont fait part de leur désir d’être rattachées un jour à la Russie »
Il est évident qu’aujourd’hui, l’organisation d’un référendum, comme celui que la France du organiser en Nouvelle Calédonie, en application du principe d’autodétermination ou du droit des peuples à disposer d’eux mêmes, n’aurait pas de sens.
En revanche, on peut s’interroger sur le résultat d’un tel référendum s’il avait été organisé avant 2014, en présence d’observateurs de l’ONU.
QUATRIEME POSTULAT : L’UKRAINE EST UN PAYS SOUVERAIN
Rappelons à titre préliminaire, que l’Ukraine se situe au 122 rang des pays en terme de corruption, la Russie au 136ème rang, la France au 22ème rang, la Turquie au 96ème rang.
Un article de la BBC commente la fameuse conversation interceptée mettant en scène Victoria Nuland et l’ambassadeur des US à Kiev. Un extrait de l’article est reproduit ci-dessous :
« But it’s the larger conversation, which shows the US is manipulating Ukraine just as much as Russia, that is the real diplomatic disaster. »
Traduction : « mais le gros de la conversation montre que les US manipulent l’Ukraine autant que le fait la Russie, et c’est là le vrai désastre diplomatique. »
Le titre de l’article de la BBC est le suivant :
En réalité les US, comme ils l’ont souvent fait, ont mis en oeuvre la pratique du « Régime Change » et ont orchestré un coup d’état notamment en instrumentalisant les groupes néonazis locaux pour imposer le personnel politique (également corrompu) de leur choix.
Lors de la « révolution » de Maïdan, Victoria Nuland ira même jusqu’à distribuer des pains aux manifestants et insultera l’UE.
Finalement, les US ont juste substitué une ingérence américaine très loin de leur frontière à une forte influence russe limitrophe.
George Soros, quant à lui, affirme le 25 mai 2014 dans un entretien à CNN accessible grâce au lien ci-après que sa fondation en Ukraine n’a pas cesser de fonctionner et « qu’elle a joué un rôle important dans les événements qui ont lieu actuellement en Ukraine » (2014).
Le texte en anglais a été reproduit ci-dessous :
ZAKARIA: First on Ukraine. One of the things that many people recognized about you was that you, during the revolutions of 1989, funded a lot of dissident activities, civil society groups in Eastern Europe and Poland, the Czech Republic. Are you doing similar things in Ukraine?
SOROS: Well, I set up a foundation in Ukraine before Ukraine became independent of Russia. And the foundation has been functioning ever since. And it played a — an important part in events now.
Le 6 août 2017, Ted Galen Carpenter (Ph.D. in U.S. diplomatic history ), vice-président pour les études de défense et de politique étrangère au Cato Institute, s’exprimait en ces termes :
« L’ampleur de l’ingérence de l’administration Obama dans la politique ukrainienne était à couper le souffle. »
Un article de 2015 expose comment les États-Unis et l’Union européenne travaillent main dans la main à une prise de contrôle de l’agriculture ukrainienne qui, en plus d’être un signe de l’implication des gouvernements occidentaux dans le conflit ukrainien, est d’un avantage douteux pour l’agriculture et les agriculteurs du pays.
La mainmise américaine sur l’Ukraine est aussi confirmée par ce dialogue entre V. Nuland (sous secrétaire d’état américaine et spécialiste du « regime change » ) et l’ambassadeur américain (Pyatt) à Kiev.
Cette transcription qui date de 2014 démontre que V. Nuland bloque un candidat pour le poste de premier ministre et choisit seule son candidat qui effectivement sera désigné par la suite. (Transcription dans l’article de La BBC en commentaire).
Nuland: Good. I don’t think Klitsch should go into the government. I don’t think it’s necessary, I don’t think it’s a good idea.
Pyatt: Yeah. I guess… in terms of him not going into the government, just let him stay out and do his political homework and stuff. I’m just thinking in terms of sort of the process moving ahead we want to keep the moderate democrats together. The problem is going to be Tyahnybok [Oleh Tyahnybok, the other opposition leader] and his guys and I’m sure that’s part of what [President Viktor] Yanukovych is calculating on all this.
Nuland: [Breaks in] I think Yats is the guy who’s got the economic experience, the governing experience. He’s the… what he needs is Klitsch and Tyahnybok on the outside. He needs to be talking to them four times a week, you know. I just think Klitsch going in… he’s going to be at that level working for Yatseniuk, it’s just not going to work.
Pyatt: Yeah, no, I think that’s right. OK. Good. Do you want us to set up a call with him as the next step? »
CINQUIEME POSTULAT : IL N’Y AURAIT PAS DE LABORATOIRES BIOLOGIQUES EN UKRAINE
Voici la transcription exacte de l’audition du 8 mars 2022, de Victoria Nuland devant le comité des affaires étrangères du sénat américain :
Senator Rubio : « I only have a minute left. Let me ask you, does Ukraine have chemical or biological weapons? »
Traduction : « Permettez-moi de vous demander si l’Ukraine possède des armes chimiques ou
biologiques ? »
Victoria Nuland (Under Secretary of State for Political Affairs) : « Ukraine has biological research facilities, which, in fact, we are now quite concerned Russian forces may be seeking to gain control of.
So we are working with the #Ukrainians on how they can prevent any of those research materials from falling into the hands of Russian forces, should they approach. »
Traduction : « L’Ukraine possède des installations de recherche biologique, et, en fait, nous sommes maintenant très inquiets que les forces russes puissent chercher à en prendre le contrôle.
Nous travaillons donc avec les Ukrainiens sur la manière dont ils peuvent empêcher que ces matériels de recherche ne tombent entre les mains des forces russes, si elles s’approchent. »
La position de Victoria Nuland est inconfortable car mentir par commission devant ce comité est passible d’une peine d’emprisonnement.
Techniquement, elle ne peut donc que mentir par omission.
Ainsi, elle admet que l’Ukraine dispose de centres de recherche biologique. Tout en s’abstenant d’indiquer si ces centres de recherche sont destinées ou pas à produire des armes biologiques, elle exprime sa crainte que la Russie puisse prendre possession de ces équipements.
DERNIER POSTULAT : LES DEMOCRATIES D’EUROPE DE L’OUEST PRATIQUENT LA LIBERTE D’INFORMATION
Je ne répondrai pas à cette question, mais rappellerai ce que disait Andrëi Makine, membre de l’académie française, au début de la Guerre :
« Je regrette que l’on oppose une propagande européenne à une propagande russe.
C’est, au contraire, le moment pour l’Europe de montrer sa différence, d’imposer un journalisme pluraliste qui ouvre le débat.
Lorsque j’étais enfant dans la Russie soviétique et qu’il n’y avait que la Pravda, je rêvais de la France pour la liberté d’expression, la liberté de la presse, la possibilité de lire différentes opinions dans différents journaux.
La guerre porte un coup terrible à la liberté d’expression : en Russie, ce qui n’est guère surprenant, mais aussi en Occident.
On dit que «la première victime de la guerre est toujours la vérité».
C’est juste, mais j’aurais aimé que ce ne soit pas le cas en Europe, en France. »
EN CONCLUSION
Voici des questions qu’il faudra un jour se poser :
Les organismes publics européens doivent-ils utiliser les mêmes techniques de propagande que celles qu’ils déclarent réprouver ?
Peut-on omettre une information parce qu’elle dessert un but considéré comme louable ?
Même si l’usage de la propagande par les organisations publiques d’Europe de l’Ouest et par l’extrême-occident (US) peut servir des objectifs à court terme, quelles conséquences sur la confiance dans les gouvernements dits « démocratiques » sur le moyen et le long terme ?
Comment combattre le « véritable » complotiste, si l’usage normal de l’esprit critique permet à chacun de constater que même les états démocratiques usent et abusent de la propagande ?
Enfin, nous rappellerons à toutes fins utiles un précédent emblématique de l’idée que la fin justifierait les moyens, le fameux plan « Fer à cheval ».
L’article ci-dessous invite aussi à se poser la question suivante :
Comment croire qu’une entité qui a déjà menti sciemment ne mentira plus à l’avenir ?