Sur l’ingérence américaine et sa mainmise sur l’Ukraine

Aujourd’hui, il n’est plus possible de nier que le conflit en Ukraine n’est autre qu’une guerre par proxy (par procuration) contre la Russie à laquelle se livrent les États Unis.

Pour les Etats Unis, la poursuite de cette guerre est un moyen d’atteindre plusieurs objectifs, parmi lesquels :

=> le maintien et le renforcement de sa mainmise politique, économique, agricole…sur l’Ukraine,

=> le refus du deuil sur ses retour sur investissements massifs en Ukraine.

=> la participation massive des entreprises américaines à la reconstruction,

=> l’affaiblissement de la Russie, de sorte de n’avoir plus qu’à se concentrer sur la Chine,

=> le maintien de sa mainmise sur l’Europe,

=> la pérennité de l’OTAN, vecteur d’influence et de vente de matériel militaire.

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A titre accessoire, les US ne sont pas non plus mécontents de faire payer l’ingérence russe dans les élections américaines, ingérence à laquelle les Etats Unis se sont souvent livrés à l’occasion d’élections étrangères.

On notera également que comme l’affirmait en juin 2020 Klaus Schwab et Thierry Malleret « Les guerres déclenchent des taux d’intérêt réel plus élevés ce qui implique une plus grande activité économique tandis que les pandémie déclenchent des taux réel plus faibles à l’origine d’une activité économique ralentie » (Covid19 : la grande réinitialisation ». (Édition juin 2020))

Enfin le refus du deuil sur les retours sur investissements attendus est un puissant facteur de poursuite de la guerre (sunk cost effect).

La tendance américaine à s’ingérer dans les affaires de pays souverains et à pratiquer le « regime change« , n’est pas nouvelle.

Michael Brenner, professeur honoraire en affaires internationales à l’Université de Pittsburgh, a établi une liste de pays où les Etats-Unis sont intervenus à l’occasion d’élections.

Le très sérieux Think Tank « Carnegie Endowment for International Peace », dans un article du 12 mars 2018, soulignait que jusqu’à la fin de la guerre froid ;

« les États-Unis sont en effet intervenus de manière illégitime dans de nombreuses élections étrangères, essayant de faire pencher les résultats en faveur des candidats que les États-Unis préféraient et, dans un plus petit nombre de cas, s’efforçant d’évincer des dirigeants légitimement élus que Washington considérait comme hostiles à sa sécurité et intérêts économiques.

Le bilan est long et sombre, marqué par quelques cas particulièrement connus au Guatemala et en Iran au début des années 1950 et au Chili et au Nicaragua dans les années 1970 et 1980. »

« Depuis la fin de la guerre froide, cependant, un tel interventionnisme a considérablement diminué … »

[…]

« Bien sûr, on peut identifier quelques cas au cours des 25 dernières années où les États-Unis ont tenté de manipuler des élections étrangères dans le but de faire accéder au pouvoir leur candidat préféré.

Lorsque le président russe Boris Eltsine a été réélu en 1996, l’administration Clinton a mobilisé une aide économique en faveur d’Eltsine pour tenter de l’aider à gagner.

Lors des élections palestiniennes de 2006, l’administration de George W. Bush a utilisé l’aide économique des États-Unis pour tenter de soutenir le Fatah dans sa lutte contre le Hamas (avec des résultats contre-productifs prévisibles).

Dans la perspective des élections irakiennes de 2005, l’administration Bush a formulé un plan pour canaliser des fonds secrets vers des candidats et des partis irakiens favoris, mais aurait reculé du plan après que le Congrès s’y soit opposé.

En 2009, selon les mémoires de l’ancien secrétaire à la Défense Robert Gates, les États-Unis ont travaillé dans les coulisses avant les élections en Afghanistan pour écarter le président Hamid Karzaï et l’empêcher de gagner. »

[…]

D’une manière générale, « La diplomatie et l’assistance pro-démocratie des États-Unis cherchent en effet à façonner l’orientation politique des autres pays. Et ils sont menés avec un fort sentiment d’intérêt personnel, et non par pur idéalisme. »

Il convient de rappeler qu’à ce jour, il existe 7 coups d’Etat pour lesquels pour lesquels l’implication directe des US est formellement établie.

Concernant plus spécifiquement, l’ingérence américaine en Europe, elle est officiellement documentée notamment par ce document déclassifié rédigé en 1994 par le conseil de sécurité national du gouvernement fédéral américain, document accessible en ligne (lien ci-dessous) et intitulé :

On y trouve notamment les passages suivants :

« Nous (les US) devons résister à un mouvement conduisant simplement à une plus grande, plus profonde intégration entre les douze membres si celle-ci venait à exclure l’admission de nouveaux membres.« 

« Nous devons nous efforcer d’empêcher l’émergence d’un système de sécurité exclusivement européen. »

EN matière d’approvisionnement énergétique de l’Europe, les propos de Condoleezza Rice explicite la stratégie américaine.

Plus particulièrement, Nordstream II n’a jamais cessé d’être dans le collimateur du gouvernement américain.

L’Ukraine est quant à elle l’archétype du pays sur lequel l’ingérence protéiforme des Etats-Unis est la plus criante et l’illustration de l’utilisation du deuxième volet de la doctrine de la guerre sans contact décrit par l’article ci-dessous :

Cliquer sur l’image pour accéder à l’article : « Guerre sans contact, manipulation du potentiel contestataire, les leçons du Kosovo appliquées à l’Ukraine »

Les évènements de Maïdan » survenus le 24 février 2014 débouchèrent sur la destitution illégale du Président Victor Ianoukovitch, pourtant régulièrement élu.

Le facteur majeur de cette crise fut le rejet par l’Ukraine alors souveraine :

=> d’un accord d’association avec l’Union européenne (UE) visant à élargir le commerce et à intégrer l’Ukraine à l’union Européenne,

=> et d’un accord lié à un prêt de 17 milliards de dollars du Fonds monétaire international (FMI).

Aujourd’hui, nul ne peut sérieusement contester que Etats Unis qui avaient préparé le terrain de longue date furent à la manœuvre pour activer cette révolution et provoquer le coup d’Etat.

Mais revenons à l’Ukraine. L’un des éléments à charge les plus probants est la fameuse conversation interceptée mettant en scène Victoria Nuland, secrétaire d’État assistante pour l’Europe et l’Eurasie de septembre 2013 à janvier 2017, épouse du néoconservateur Robert Kagan, et l’ambassadeur des US à Kiev.

Un extrait d’un article de la BBC relatant ces événements est reproduit ci-dessous :

« But it’s the larger conversation, which shows the US is manipulating Ukraine just as much as Russia, that is the real diplomatic disaster. »

Traduction : « mais le gros de la conversation montre que les US manipulent l’Ukraine autant que le fait la Russie, et c’est là le vrai désastre diplomatique. »

Lors de la « révolution » de Maïdan, Victoria Nuland ira même jusqu’à distribuer des pains aux manifestants et insultera l’UE.


En réalité les US, comme ils l’ont souvent fait, ont mis en œuvre la pratique du « Régime Change » et ont orchestré un coup d’état notamment en instrumentalisant les groupes néonazis locaux pour imposer un personnel politique à leur convenance.

Le gouvernement pro-us ainsi formé suite au coup d’état de Maïdan, aura ceci de singulier :

Trois des ministres les plus importants du gouvernement seront des personnes nées à l’étranger qui se verront attribuer la nationalité Ukrainienne juste quelques heures avant leurs prises de fonction.

A titre d’exemple Natalie Jaresko, femme d’affaires née aux États-Unis travaillant en Ukraine depuis le milieu des années 1990, supervisant un fonds de capital-investissement créé par le gouvernement américain pour investir dans le pays, également PDG d’Horizon Capital, une société d’investissement qui administre divers investissements occidentaux dans le pays, sera nommée ministre des finances.

Nathalie Jaresko

La mainmise américaine sur l’Ukraine est aussi confirmée par ce dialogue entre cette même Victoria Nuland et l’ambassadeur américain (Pyatt) à Kiev.

Cette transcription qui date de 2014 démontre que V. Nuland bloque un candidat pour le poste de premier ministre et choisit seule son candidat qui effectivement sera désigné 1er ministre par la suite. (Transcription dans l’article de La BBC en commentaire).

Nuland: Good. I don’t think Klitsch should go into the government. I don’t think it’s necessary, I don’t think it’s a good idea.

Pyatt: Yeah. I guess… in terms of him not going into the government, just let him stay out and do his political homework and stuff. I’m just thinking in terms of sort of the process moving ahead we want to keep the moderate democrats together. The problem is going to be Tyahnybok [Oleh Tyahnybok, the other opposition leader] and his guys and I’m sure that’s part of what [President Viktor] Yanukovych is calculating on all this.

Nuland: [Breaks in] I think Yats is the guy who’s got the economic experience, the governing experience. He’s the… what he needs is Klitsch and Tyahnybok on the outside. He needs to be talking to them four times a week, you know. I just think Klitsch going in… he’s going to be at that level working for Yatseniuk, it’s just not going to work.

Pyatt: Yeah, no, I think that’s right. OK. Good. Do you want us to set up a call with him as the next step? »

Le 6 août 2017, Ted Galen Carpenter (Ph.D. in U.S. diplomatic history ), vice-président pour les études de défense et de politique étrangère au Cato Institute, s’exprimait en ces termes :

« L’ampleur de l’ingérence de l’administration Obama dans la politique ukrainienne était à couper le souffle. »

Quant au fait, que les US se soient appuyés sur des groupes ultra-nationalistes, cela ne fait plus aucun doute.

Lorsque le sénateur Mc Cain sera interpellé après avoir été photographié fin 2013 dans un rally en compagnie l’ultra-nationaliste Oleh Tyahnybok, antisémite notoire, qui souhaitait que la mention de l’ethnicité soit imposée sur le passeport, il déclarera « ces braves homme et femme devraient savoir qu’ils sont pas seuls. Les amis à travers le monde sont solidaires avec eux. »

En 2004 ce même, Oleh Tyahnybok parlera dans un discours de « la mafia juive russe gouvernant l’Ukraine » .

Dans un autre discours, il parlera « des moscovites, des allemands, des kikes (dénomination péjorative des juifs), et des autres ordures qui veulent prendre possession de la nation ukrainienne. » ( “the Moscow-Jewish mafia ruling Ukraine” and in another speech declared: “the Moskali, Germans, Kikes and other scum who wanted to take away our Ukrainian state.”)

Lien ci-dessous vers l’article intitulé « Far-right group at heart of Ukraine protests meet US senator »

https://www.channel4.com/news/ukraine-mccain-far-right-svoboda-anti-semitic-protests

Rappelons que le 10 septembre 2014, « The Guardian » titrait « La volonté des volontaires d’extrême droite du bataillon d’amener le combat à Kiev’ est un danger pour la stabilité post-conflit ».

Le Washington post titrait le 13 février 2017, « l’Ukraine ferme les yeux sur les milices d’extrême droite. »

Quant au Jerusalem Post, il publiait le 18 janvier 2016 un article faisant état de la décision du congrès américain portant levée de l’interdiction de financer les milices ukrainiennes néo-nazies.

Dans le registre non étatique, George Soros, quant à lui, affirme le 25 mai 2014 dans un entretien à CNN accessible grâce au lien ci-après que sa fondation en Ukraine n’avait pas cessé de fonctionner et « qu’elle avait joué un rôle important dans les événements qui ont lieu actuellement en Ukraine » (2014).

Le texte en anglais a été reproduit ci-dessous :

ZAKARIA:  First on Ukraine. One of the things that many people recognized about you was that you, during the revolutions of 1989, funded a lot of dissident activities, civil society groups in Eastern Europe and Poland, the Czech Republic. Are you doing similar things in Ukraine?

SOROS:  Well, I set up a foundation in Ukraine before Ukraine became independent of Russia.  And the foundation has been functioning ever since. And it played a — an important part in events now.

Finalement, les US ont substitué une ingérence américaine très loin de leur frontière à une influence russe limitrophe.

Aucun domaine n’échappe à cette ingérence. L’agriculture et les terres agricoles ukrainiennes parmi les plus fertiles du monde, n’ont cessé de susciter l’avidité.

Un article de 2015 expose comment les États-Unis et l’Union européenne travaillent main dans la main à une prise de contrôle de l’agriculture ukrainienne qui, en plus d’être un signe de l’implication des gouvernements occidentaux dans le conflit ukrainien, est d’un avantage douteux pour l’agriculture et les agriculteurs du pays.

Depuis 2021, le terres agricoles ukrainiennes sont un objet de prédation.

Les sociétés Cargill, Monsanto (société germano-australienne à l’origine, mais aujourd’hui à majorité américaine) et Dupont détiennent désormais environ 40 % des terres arables ukrainiennes.

S’agissant des recherches dans le domaine biologique, voici la transcription exacte de l’audition du 8 mars 2022, de Victoria Nuland devant le comité des affaires étrangères du sénat américain :

Senator Rubio : « I only have a minute left. Let me ask you, does Ukraine have chemical or biological weapons? »

Traduction : « Permettez-moi de vous demander si l’Ukraine possède des armes chimiques ou biologiques ? »

Victoria Nuland (Under Secretary of State for Political Affairs) : « Ukraine has biological research facilities, which, in fact, we are now quite concerned Russian forces may be seeking to gain control of.

So we are working with the #Ukrainians on how they can prevent any of those research materials from falling into the hands of Russian forces, should they approach. »

Traduction : « L’Ukraine possède des installations de recherche biologique, et, en fait, nous sommes maintenant très inquiets que les forces russes puissent chercher à en prendre le contrôle.

Nous travaillons donc avec les Ukrainiens sur la manière dont ils peuvent empêcher que ces matériels de recherche ne tombent entre les mains des forces russes, si elles s’approchent. »

La position de Victoria Nuland est inconfortable car mentir par commission devant ce comité est passible d’une peine d’emprisonnement.

Ainsi, elle admet que l’Ukraine dispose de centres de recherche biologique.

Dans le même temps, tout en s’abstenant d’indiquer si ces centres de recherche sont destinées ou pas à produire des armes biologiques, elle exprime sa crainte que la Russie puisse prendre possession de ces équipements.

Nous pourrions multiplier les exemples qui attestent de l’ampleur de l’ingérence américaine et de la compromission des instances de l’Union Européenne.

Nous nous arrêterons là car nous considérerons avoir démontré que le niveau d’ingérence US en Ukraine est tel qu’en tout état de cause l’Ukraine ne peut être considéré comme un pays souverain.

La conclusion est simple : aujourd’hui, la France doit cesser toutes les livraisons d’armes à l’Ukraine, se désolidariser des US, les laisser agir seuls et subir seuls les conséquences de ce conflit.

Les US doivent assumer seuls leur politique d’ingérence et en payer seuls les conséquences.

Enfin, il convient de rappeler que dès 2014, certains journalistes considéraient cette guerre inévitable comme le témoigne cet article de « The Guardian ».

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Une réflexion sur “Sur l’ingérence américaine et sa mainmise sur l’Ukraine

  1. Une mise en perspective excellente et très instructive on ne peut plus clair!Ce qui est paradoxalement déconcertant c’est que cette superpuissance qui a une très grande responsabilité mondiale pour œuvrer à la paix et à la stabilité mondiale oublie fréquemment que ce sont ses leaders politiques qui étaient à l’origine de la SDN et notamment l’ONU qui établit le système de sécurité collective ,dt le siège est a New York et dt la Charte constitutive proclame officiellement ds don article 2,7 que toute forme d’ingérence ds les affaires intérieures est totalement proscrite?! Résultat fallait-il déplacer cette organisation mondiale à Genève,Paris ou Moscou ds l’intérêt de l’humanité tte entière soucieuse des risques actuels d’une conflagration mondiale?

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