Le « Political warfare » ou « Guerre par le Milieu Social » (GMS) est désormais un concept bien connu et particulièrement usité par les anglo-saxons.
La guerre par le milieu social nécessite l’usage de techniques efficaces et en particulier d’une science appliquée que l’on appelle « ingénierie cognitive »[i].
Dans ce nouveau champ de bataille, la langue constitue un enjeu essentiel. La Guerre par le Milieu Social, intègre quasiment systématiquement la guerre linguistique, laquelle s’appuie sur des techniques d’ingénierie linguistique.
La guerre linguistique est très souvent le fait d’activistes, qui depuis longtemps ont compris, que l’hypothèse Sapir-Whorf n’était pas une simple conjecture, mais une hypothèse avérée qu’il ne faut pas manquer d’exploiter.
Qu’est-ce que l’hypothèse Sapir-Whorf ?
Selon Benjamin Lee Whorf et Edward Sapir, chaque langue découpe la réalité à sa façon, étant précisé qu’il y a mille manières de structurer le réel et que chaque langue est le résultat du choix d’une certaine vision du monde, choix le plus souvent inconscient.
Chaque civilisation, en choisissant un mot pour nommer une idée, un morceau de réalité, découpe le réel et l’imaginaire suivant des patrons différents.
A l’origine d’une langue il y a des fils que l’on tisse entre la pensée et le réel. La langue crée des catégories qui lui sont propres, génère sa propre grammaire. Cette construction rétroagit sur la manière dont la pensée se représente le réel, installe dans l’esprit une certaine vision du monde et par conséquent détermine la manière dont nous percevons le monde.
Selon Edward Sapir, « la vérité est que le “monde réel” est dans une large mesure édifié inconsciemment sur des habitudes de langage du groupe […] Pour une bonne part, la manière dont nous accueillons le témoignage de nos sens est déterminée par les habitudes linguistiques de notre milieu, lequel nous prédispose à un certain type d’interprétation »[ii]).
Pourquoi l’exploitation de l’hypothèse Sapir-Whorf à travers la Guerre linguistique est une arme de choix pour les activistes ?
Un activiste cherchera à imposer sa vision du monde. Contrairement au citoyen ordinaire, la détermination de l’activiste est grande au point que pour lui la fin justifie souvent les moyens.
L’activisme au sens de mécanisme de défense du moi est défini comme la « Gestion des conflits psychiques ou des situations traumatiques externes par le recours à l’action à la place de la réflexion ou du vécu des affects ». Cela explique souvent la détermination de l’activiste qui à travers la cause qu’il veut défendre cherche à résoudre un problème existentiel personnel.
Les départements de sciences sociales en particulier anglo-saxons regorgent d’activistes qui ont parfaitement compris et admis l’hypothèse Sapir-Whorf. Ces activistes-universitaires produisent les théories qui serviront d’instruments aux activistes de terrain ou de plateau.
Ces mêmes activistes ont également compris chaque théorie produit un langage spécifique, apte à produire des énoncés servant à véhiculer une certaine vision du monde.
Souvent dans le domaine des sciences sociales, les abstractions produites ne visent non pas à appréhender le réel tel qu’il est mais à le déformer en insérant entre l’intellect et le réel une couche abstraite conceptuelle destinée à faire voir le monde à travers le prisme idéologique souvent dogmatique du « chercheur », voire même à supprimer de fait des modes de pensée hostiles à la vision qu’il cherche à imposer.
Plus spécifiquement, la promotion d’un néologisme pourra produire les effets désirés, à savoir, la promotion d’une idée et la suppression ou la limitation d’expressions hostiles à cette idée.
La guerre linguistique en pratique
A titre préliminaire, il est essentiel de comprendre que les institutions telles que l’Académie Française, le plus souvent ne créent pas de nouveaux mots. Quant aux dictionnaires, ils se contentent d’entériner les usages. Plus loin, nous démontrerons que cela est regrettable.
Ceci étant rappelé, voici un mécanisme type souvent à l’œuvre dans un contexte de guerre linguistique :
- Des minorités agissantes inventent un mot et lui attache une signification de leur choix, signification conçue de sorte qu’elle favorise un mode de pensée et limite l’expression de certaines pensées alternatives.
- Ce mot est utilisé de manière répétée par des minorités ultravisibles souvent non représentatives, pour le rendre ultravisible, afin qu’il soit médiatisé.
- Les médias, qui ne se soucient peu de cohérence et d’étymologie, reprennent alors en boucle le mot ainsi créé.
- Les lexicographes remarquent cet usage et finalement font entrer ce mot usité par une infime partie de la population dans le dictionnaire.
- Un piège linguistique est ainsi crée qui cantonne le débat dans un cadre imposé.
La création du mot « islamophobie » constitue un exemple d’usage de l’ingénierie linguistique. Le problème avec ce vocable est qu’il est englobant et est attaché à plusieurs signifiés, à plusieurs sens.
Une personne islamophobe aurait peur et/ou serait hostile à l’Islam et/ou aux musulmans, comme si ces dispositions d’esprit étaient indissociables, indivisibles.
Pourtant, à titre personnel, j’ai des amis qui détestent la religion catholique et qui ne manquent pas d’exprimer publiquement cette détestation. Et pourtant, ils m’aiment, bien que je sois catholique.
Enfin, certaines personnes ont peur de l’Islam, mais détestent-elles l’Islam pour autant. Ma mère a peur des chats, mais ne les détestent pas.
Clairement, le problème est un problème linguistique et non un problème juridique comme le déclarait à tort le15 mars 2022 le représentant de l’Etat Français devant l’assemblée plénière des nations unis :
« Le terme d’islamophobie ne faisait l’objet d’aucune définition agréée en droit international, contrairement à la liberté de religion ou de conviction. »
En réalité, il n’y a pas de solution juridique à ce problème. Il ne peut y avoir de définition agrée, puisque le mot est mal choisi. Le problème étant purement linguistique, la solution est linguistique.
Que devrait faire l’Etat français ?
L’Etat français devrait selon l’auteur confier une mission d’ingénierie linguistique à l’Académie française.
Afin de faire entrevoir au lecteur le type de mission dont il pourrait s’agir, voici quelques pistes de réflexion :
En Grec, « misos » signifie « haine ». On pourrait donc imaginer un nouveau mot « Islamomisos » qui signifierait « détestation de l’islam ».
Il est vrai qu’un tel mot ne sonne pas très bien. Aussi au lieu de « misos », le suffixe « misia » pourrait être préféré.
Ainsi, « Islamomisia » signifierait « haine de l’islam », « musulmanophobie » , « peur des musulmans », « islamophobie« , peur de l’islam, « musulmanomisia», « haine des musulmans ».
Seule l’expression publique de cette dernière disposition d’esprit (musulmanomisia = haine des musulmans) devrait être considérée comme un délit. Ainsi le droit au blasphème, pierre angulaire de la liberté d’expression, pourrait continuer à être protégé.
Finalement si l’état voulait résoudre ce type de problèmes purement linguistiques, Il lui suffirait selon moi, lorsque ses services constatent l’apparition d’un mot dont l’usage fait polémique et lorsque ce mot intègre un faible degré d’ingénierie linguistique (non-sens étymologique par exemple) de par son caractère trop englobant ou dont l’usage est susceptible de mélanger du licite et de l’illicite, de saisir l’académie française d’une mission d’ingénierie linguistique.
Ce procédé aboutirait à un enrichissement de la langue et non à son appauvrissement, étant précisé que l’appauvrissement d’une langue génère l’appauvrissement ou le contrôle de la pensée comme l’illustre « 1984 » de Georges ORWELL et la technique totalitaire de la novlangue.
En conclusion, il est urgent que nos dirigeants soient au fait des concept de GMS (Guerre par le milieu social), d’ingénierie cognitive, de GL (Guerre linguistique) et d’ingénierie linguistique.
Enfin, il importe de comprendre que les solutions des problèmes actuels sont rarement contenus dans un catalogue de solutions préexistantes, et que seules des solutions créatives, qui ne relèvent pas de paradigmes existants peuvent résoudre ces problèmes.
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[i] Chauvancy, R. (2021). L’ingénierie cognitive, arme de guerre. Revue internationale d’intelligence économique, 13, 11-22. https://www.cairn.info/revue–2021-2-page-11.htm.
[ii] Extrait de l’ouvrage « Language, Thought and Reality » de Benjamin Lee Whorf