« Myrotvorets » : le site ukrainien qui intimide, censure… et se réjouit des assassinats de ses opposants.

En 2016, les ambassadeurs du G7 appelait les responsables du site ukrainien « Myrotvorets » à supprimer les données personnelles qu’ils avaient sciemment publié et à s’abstenir de tout langage incendiaire vis à vis des personnes nommées dans cette liste.[i]

Ils indiquaient leur préoccupation quant aux menaces proférées par ce site à l’encontre à l’encontre de journalistes qui avait couvert ou couvraient encore le conflit ravageant le Donbass depuis 2014.

L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) dans une note du 13 août 2018, considérerait que ce site représentait une atteinte à la sécurité des personnes.

Cliquer sur l’image pour accéder à la note de l’OFPRA

Dans l’esprit du « name dropping« , 4 508 journalistes et médias du monde entier furent désignés par ce site ukrainien comme ayant coopéré avec des terroristes.

En représailles de leur couverture du conflit au Donbass, ce site publia les données personnelles, numéros de téléphone, e-mails, et certains des pays et des villes de résidence de ces journalistes.

Roger Waters, du groupe Pink Floyd, fut même dénoncé comme une « menace pour la sécurité nationale » après qu’il eut affirmé que la Russie avait plus de droits sur la Crimée que l’Ukraine[ii]

Yulia Gorbunova, chercheuse pour Human Rights Watch, qui dans un article du 4 avril 2022, faisait état de témoignages accréditant la commission de crime de guerre à Bucha.[iii] considéraient à l’époque (en 2016) que « les implications de cette liste pour la liberté de la presse étaient graves, ajoutant que l’existence de la liste mettait des vies en danger. »

Libération, que l’on ne peut accuser de complaisance vis à vis de la Russie et habituellement adepte du double standard, publiait le 14 octobre 2022, une « Check news » au sujet des activités de ce site dont des extraits sont reproduits ci-dessous :

« Le seul tort de ces journalistes, selon Myrotvorets était de s’être rendus dans le Donbass occupé pour couvrir les conflits qui s’y déroulaient depuis 2014.« 

Cette publication avait conduit plusieurs ONG à condamner fermement le site, estimant qu’il mettait en danger la vie de plusieurs d’entre eux. Plusieurs journalistes concernés ont d’ailleurs fait état de menaces de mort. »

En réponse à un citoyen s’interrogeant sur le caractère de certaines listes de noms, considérés par certains observateurs comme des « Kill Lists » ou listes de personnes à éliminer, le journal « Libération », fournissait cette réponse édulcorée mais révélatrice :

« L’appellation peut sembler abusive, puisque le site n’appelle pas au meurtre des personnes fichées.

Mais il ne condamne pas pour autant les attaques mortelles qui les visent.

Ainsi, le site barre les photos d’une large mention rouge indiquant «liquidé», pour toutes les personnes de la liste qui ont été tuées, semblant ainsi s’en féliciter.

C’est le cas par exemple du journaliste italien Andrea Rocchelli, tué par des tirs de l’armée ukrainienne alors qu’il couvrait la guerre dans le Donbass en 2014, et ajouté de façon posthume sur Myrotvorets.« 

Rappelons que pendant quelques jours Elon Musk figura sur cette liste.

Nous nous arrêterons là pour revenir à la question du Donbass.

Aujourd’hui, nul ne peut contester qu’il règne une véritable omerta journalistique sur l’histoire du Donbass de 2014 à nos jours.

Avant que cette guerre éclate, des articles, des rapports de Human Watch, du HCR, d’Amnesty International traitèrent des atrocités commises au Donbass par les forces nationalistes ukrainiennes.

Aujourd’hui, le silence est de rigueur, pour la simple raison que l’exposition de la réalité des 10 dernières années au Donbass serait de nature à saper le narratif otano-ukrainien sur la guerre actuelle, lequel vise à attribuer tous les torts à la Russie et omet sciemment les exécutions, les assassinats, les brimades perpétrés au Donbass par les nationalistes ukrainiens ainsi que le sincère désir d’autonomie.

Il y a peu, le journal « Le Monde » s’est cru pour une fois obligé de laisser un journaliste faire son métier en publiant un article sur les exécutions extra-judiciaires (sans procès) commises par les forces ukrainiens sur des civils ukrainiens qui est considérés comme ayant collaboré avec les forces d’occupation russes.[iv]

Aujourd’hui, qui parle des crimes de guerre ukrainiens ?

Lorsque l’on ne peut nier l’évidence comme dans le cas de ces exécutions sommaires, certains commentateurs laissent penser que le droit de la guerre ne s’appliquerait pas aux forces agissant pour le bien, pour la civilisation.

Car pour ces commentateurs, il y a le monde civilisé d’un coté, et des mondes non civilisés de l’autre.

Quelles leçons tirer de tout cela en matière de liberté de la presse ?

1ère leçon : Le gouvernement ukrainien, à travers ce site qu’il a toujours laissé faire malgré les injonctions du G7, n’a jamais cessé de museler la presse et d’intimider les journalistes étrangers susceptibles de décrire des faits avérés entachant la réputation de l’Ukraine et en particulier des crimes perpétrés dans le Donbass, la dernière charge dirigée contre Ammesty International en est un exemple.

2ème leçon : En terme de contrôle et d’intimidation des journalistes, l’Ukraine n’a rien à envier à la Russie, qui certes, censure ses journalistes nationaux, mais n’a jamais procédé à une intimidation d’un telle ampleur, qui plus est, vis-à-vis de journalistes étrangers.

3ème leçon : Le pluralisme journalistique sur la guerre en Ukraine n’existe quasiment plus sur les grands médias français.

Pour autant l’Etat français ne censure évidemment pas les journalistes qui pratiquent de leur plein gré l’autocensure.

La raison est simple. Dévier de la ligne, c’est tout simplement risquer de perdre son emploi, s’exposer à être ostracisé par les grands médias pour se retrouver dans des rédactions de seconde catégorie. Rares sont les journalistes carriéristes qui choisissent cette voie.

En conclusion, il parait évident que le traitement journalistique de cette guerre et l’usage systématique du double standard est une réalité.

Il se paiera à moyen terme et à long terme par une défiance de plus en plus grand vis-à-vis des médias et une perte de confiance totale dans la parole publique.

Comme disait G. Orwell, 2+2=5 si nécessaire.


[i] G7 Ambassadors’ statement regarding journalists’ personal data on Myrotvorets website – GOV.UK (www.gov.uk)

[ii] Ukraine’s blacklist: Killers, lawyers, writers and spies | World | The Times

[iii] Human Rights Watch’s Yulia Gorbunova on cases of alleged war crimes by Russian forces : NPR

[iv] Guerre en Ukraine : exécutions en série de collaborateurs ukrainiens prorusses (lemonde.fr)

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