Lorsque j’évoque avec des français leur rapport avec l’entité européenne, j’ai généralement affaire à trois catégories de personnes, ceux qui considèrent que la souveraineté appartient à la nation, les européistes convaincus, et une catégorie selon moi plus importante en nombre que la précédente, qui par résignation s’est décidée à ne pas rejeter le concept d’intégration européenne.
Le plus souvent, cette dernière catégorie ne fait valoir contre l’idée d’une Europe des Nations défendue en son temps par Philippe Seguin, qu’un seul argument principal : la France serait trop petite pour jouer sa propre partition dans le concert des nations et par conséquent pour continuer à décider seule de son propre destin. L’Europe aurait au moins le mérite de lui permettre de conserver sa puissance.
Quant à l’argument secondaire, il réside dans l’idée que l’intégration européenne serait une garantie contre la guerre.
Aujourd’hui, il me semble manifeste, sauf, à accepter le principe de contre-induction que si l’on veut bien se donner la peine de les examiner, ces arguments ne tiennent pas.
Cependant, à force d’être répétés, ils ont fini par revêtir un caractère dogmatique.
Et le propre d’une conception dogmatique est d’être le plus souvent défendue comme « s’ils s’agissait d’un préjugé avec une faible compréhension ou sentiment de ses (hypothétiques) fondements rationnels. »
Y souscrire devient alors une simple profession de foi purement formelle dont le sens ne peut être révélé que lorsqu’une telle conception est confrontée à une théorie alternative.
A titre de contraste justement, voici ce que disait John Stuart Mill :
« Qu’est ce qui a permis à la famille des nations européennes d’être une partie de l’humanité en progression plutôt qu’en stagnation ?
Non pas une excellence supérieure qui, quand elle existe, n’existe qu’à titre d’effet plutôt que de cause, mais plutôt la remarquable diversité de leurs styles et de leurs cultures.
Les personnes, les classes, les nations ont été entièrement différentes les uns des autres : Elles ont empruntés une grande variété de voies, chacune menant à quelque chose d’intéressant; et bien qu’à chaque époque ceux qui avaient choisi différents chemins ont été intolérants les uns vis-à-vis des autres, et bien que chacun ait pu penser qu’il eut été excellent que tout le reste ait été obligé de suivre la même voie, leurs tentatives de contrarier le développement de chacun des autres ont rarement réussi de façon permanente, et chacun, quand il le fallait, a accepté le bien que les autres ont offert.
L’Europe, selon moi, doit tout à cette pluralité de voies quant à son développement progressif et polyvalent. »

Mais revenons à l’examen du premier argument, à savoir :
La dimension de la France serait insuffisante pour qu’elle puisse continuer à jouer sa propre partition dans le concert des nations et par conséquent décider seule de son propre destin. L’Europe lui permettrait de conserver sa puissance.
Si nous faisions produire tous ses effets à ce type d’arguments, nous pourrions dire ceci :
Le Sénégal, le Congo, le Vietnam, le canada, le Maroc, la Tunisie, la Bolivie…toutes les petites ou les nations moyennes, sont condamnées à voir leur puissance rétrécir, leur développement compromis et devraient par conséquent rapidement se regrouper au sein d’une entité supranationale intégrée pour ne pas décliner.
Pourtant, ces pays et leurs dirigeants ne semblent pas se représenter comme acculés. Seraient-ils irresponsables et conduiraient-ils leur peuples vers le désastre de l’indépendance ?
Suivant le raisonnement des européistes le Sénégal, le Maroc… seraient juste inconscients, puisque selon les adeptes du supranational, sans une Europe « intégrée », la France, qui bien que disposant de plus de forces que le Sénégal, serait condamnée à être déclassée.
En réalité, le concept même d’Europe intégrée, dont chacun devrait savoir qu’il va bien au-delà du concept de fédération, a couté et coûte beaucoup à la France en terme de puissance et par conséquent de prospérité.
La première raison est simple.
Les dirigeants politiques français acteurs de ce gouvernement sont quasiment tous européistes, c’est à dire non représentatifs de la pluralité de conceptions de notre peuple.
Par endoctrinement, aveuglement dogmatique, encerclement cognitif ou par intérêt personnel, ils ont clairement décidé de ne pas poursuivre en priorité l’intérêt supérieur de la nation, mais l’intérêt de l’entité européenne.
Quelle est la raison d’être de la France ?
A ces deux questions, l’Européiste de base, ne sait pas répondre.
Quelle ambition la France s’assigne-t-elle ?
Le résultat de ce silence contraint n’est autre qu’un pays sans ambition, c’est-à-dire un pays qui n’est même plus en mesure de s’imaginer maintenir ou augmenter sa puissance.
Une nation qui n’a pas de buts et qui a abandonné ses objectifs de puissance, ne peut que décliner et se dissoudre dans un amas amorphe.
Mais peut-être comme le pense certainement E. MACRON, la France doit-elle se contenter d’injecter, de sacrifier toutes ses forces dans l’entité européenne de sorte qu’en retour des bienfaits hypothétiques puissent venir ruisseler sur le peuple français.
La pseudo-théorie du ruissellement est une théorie chère à notre Président. Selon lui, seuls les « premiers de cordée » comptent et ils ne faudrait surtout pas leur lancer des cailloux, au risque de les voir tomber et de voir tomber ceux qu’ils soutiennent, c’est à dire le petit peuple.
Cette ancienne théorie, remonte à l’ère Reagan. La notion de « trickle-down effect » (effet de ruissellement), contribue à produire une schéma de pensée simpliste selon lequel, il suffirait d’arroser l’Europe, de se sacrifier pour l’Europe pour que des effets bénéfiques ruissellent pour venir arroser le peuple français.
Il est vrai que l’idée, voire le concept d’intégration européenne, fut conçue par de simples économistes, des banquiers, des partisans de la libre concurrence et de l’efficience des marchés, qui auraient effectivement pu voir dans le concept de ruissellement un argument venant renforcer les dogmes dont ils s’étaient entichés.
Ces dernières décennies nous ont justement montré que l’engagement aveugle à l’endroit de ces dogmes européistes a affaibli considérablement notre nation au point de la dépouiller d’une partie de ses secteurs stratégiques.
Le marché européen de l’électricité en est un exemple pertinent et illustre un phénomène récurrent, à savoir, l’effacement du raisonnement scientifique et rationnel face au dogme de l’efficience des marchés.
L’européanisation d’une production non délocalisable n’a évidemment pas de sens.
Elle a simplement permis de créer des entreprises parasites, à savoir des fournisseurs d’électricité qui ne produisent rien mais se contentent d’acheter et de revendre sur les marchés de gros pour contracter avec des consommateurs finaux.
Les premiers de cordée chers à Monsieur MACRON, furent les opportunistes qui créèrent ces entreprises improductives, lesquelles se sont insérés entre le consommateur final et le producteur.
EDF par exemple fut contraint, simplement pour ne pas déroger à un dogme européiste, de vendre de l’électricité à perte (ARENH) à ces entreprises parasites.
Ainsi ceux qui furent arrosés ou les principaux bénéficiaires du ruissellement, furent les propriétaires parasites de ces entreprises inutiles, souvent en bons termes avec la classe dirigeante.
D’un point de vue plus stratégique et psychologique, lorsqu’il a été décidé de dissoudre une nation dans une entité supranationale, nation dont le dirigeant est censé défendre les intérêts, la notion d’ambition nationale et donc de projet national perdent tout leur sens.
Comment en effet imaginer la réussite d’une nation, si justement la réussite nationale n’est pas érigée comme le premier objectif à atteindre ?
Finalement, la concurrence serait bonne entre les agents économiques, mais l’émulation entre les nations ne devrait pas être recherchée.
John Stuart Mill aurait donc été intellectuellement moins bien pourvu qu’un Jean Monnet, simple banquier à l’esprit intéressé.
Mais parlons maintenant d’un autre dogme : L’amitié à sens unique Franco-Allemande.
En réalité les derniers présidents de la république ont été naïfs contrairement à beaucoup de français. Le bon sens paysan cher à Montesquieu leur a fait défaut et comme à leur habitude, ils se sont laissés emprisonnés dans des abstractions, parmi lesquelles, la prétendue amitié franco-allemande.
Depuis plusieurs décennies, l’Allemagne a fait exactement ce que le Général de Gaulle envisageait pour la France.
La France, puissance nucléaire, était censée devenir la première puissance politique européenne et utiliser la communauté économique européen comme levier supplémentaire de puissance.
Finalement, l’Allemagne, alors même qu’elle ne disposait par d’une armée digne de ce nom et encore moins de la dissuasion, a fait exactement cela.
Elle ne pouvait que saboter tout projet d’Europe de défense dans lequel elle ne pouvait être première.
Elle ne pouvait qu’encourager la soumission à L’OTAN, et ainsi empêcher que la France ne bénéficie d’une prépondérance politique du fait de son armée conventionnelle et de sa dissuasion nucléaire.
L’Europe est ainsi devenu l’instrument de la puissance germanique, par excellence.
Pour mieux diriger cette Europe germanique, l’Allemagne a permis à la commission de se saisir des sujets intéressant sa propre puissance. Elle a poussé pour que l’Europe s’attribue des prérogatives qui auraient du relever des nations, de sorte de poursuivre grâce au levier européen ses propres objectifs de puissance. La bataille autour de la taxonomie est un bon exemple.
Les principes de subsidiarité et d’attribution ont été ni plus ni moins dévoyés pour donner toujours plus de pouvoirs à la commission contrôlée de fait par l’Allemagne s’appuyant sur ses alliés de l’Est.
La France de son coté à force que faire preuve de naïveté et de sacrifier ses intérêts à un idéal européen vu comme un instrument de puissance par l’Allemagne s’est affaiblie politiquement.
En laissant l’entité européenne agir dans beaucoup de domaines qui ne relevaient pas de la compétence exclusive européenne, elle n’a pas pris les décisions stratégiques qu’elle aurait dû prendre.
Ses dirigeants ont purement et simplement délaissé des dossiers importants.
L’Europe a déresponsabilisé nos dirigeants politiques qui ont considéré à tort que le développement des affaires au sein de l’union européen étaient de nature à renforcer l’entreprise « France ».
Ce ne fut pas le cas. Le business et la puissance sont deux choses différentes. Et seule l’accroissement de la puissance d’une nation accroit la prospérité de son peuple.
Lorsque par avance on n’a pas décidé de mettre les intérêts nationaux au dessus de tout, on ne se donne pas les moyens de les poursuivre.
En d’autres termes, ne pas rechercher constamment la puissance au niveau national, c’est se condamner au déclin.
Aujourd’hui, aucun observateur honnête ne peut contester que l’Europe est inféodé aux Etats Unis tant sur les plans de la politique étrangère, sociétal, culturel…
Un tel état de fait nous coute cher. Le conflit en Ukraine le démontre. L’intégration européenne vers l’EST n’a donc pas préserver l’Europe de la Guerre, elle a contribué à la provoquer.
Un état qui désigne comme ennemi, l’ennemi de ses valeurs et non l’ennemi de ses intérêts condamne la nation dont il est censé être le bras armé au déclin.
Quant à l’élargissement vers l’Est en faveur duquel les US n’ont jamais cessé d’œuvrer, il n’a profité qu’à l’Allemagne qui a vu le centre de gravité européen quitter notre territoire pour se situer sur ses terres.
En 1992, les Etats-Unis déclaraient clairement leurs buts ainsi que leur ferme engagement à œuvrer pour :
1°) Que l’Europe des 12 de l’époque n’aillent surtout pas vers une plus grande intégration, et ce, afin de ne pas compromettre l’élargissement vers l’Est qui était vu comme un impératif stratégique et permettait d’éviter qu’une Europe des 12 trop intégrée viennent constituer une entité politique trop forte et apte à s’émanciper de la tutelle américaine.
2°) Que l’Europe ne se dote surtout pas d’une défense autonome.
Evidemment, ces deux objectifs étaient liés, puisque l’élargissement vers l’Est encouragé par les US venait rendre encore plus difficile, voire empêchait de fait la construction d’une Europe de la défense.

Aujourd’hui, la France compte 67,8 millions d’habitants. Sa taille est potentiellement suffisante pour qu’elle se maintienne en tant que nation indépendante et développée.
La puissance, contrairement à ce que veulent bien nous dire nos politiques, ne proviendra certainement pas d’une meilleure intégration européenne.
Au contraire, elle nécessite une réforme complète du droit européen, réforme dont les grandes lignes pourraient être les suivantes :
1°) Définition stricte du principe d’attribution. L’Europe ne doit agir que dans la limite d’une liste limitée de compétences ;
2°) Suppression du principe de subsidiarité ascendante ;
3°) Suppression du pouvoir d’initiative de la commission en dehors de son domaine de compétence
4°) Autonomie de chaque état-nation en matière sociétale.
Nous conclurons sur une évidence que ne semblent pourtant pas avoir saisie nos politiques de base, nos Présidents de la république de base, nos journalistes de base, nos économistes de base, nos « intellectuels » de base :
LA PUISSANCE D’UNE NATION RESIDE DANS SON INDEPENDANCE ET DANS LE CAPITAL COGNITIF ET LA VIGUEUR DE SA POPULATION
Tout le reste n’est que littérature.