Depuis quelques décennies, des opérations d’influence sont menées par des activistes qui visent à enseigner aux enfants la théorie du genre dès l’école primaire voire même dès l’école maternelle.
Depuis peu, cet activisme principalement LGBT semble avoir trouvé un allié de poids en la personne du nouveau ministre de l’éducation nationale, lequel affiche clairement sa volonté de mettre l’enseignement de cette théorie au centre de ses priorités.
On peut concevoir que cette posture passe mal, non pas uniquement parce que cette théorie ou plutôt l’instrumentalisation de cette théorie est critiquable, mais également parce qu’une partie de ceux qui critiquent cette posture ont le sentiment que le véritable problème, à savoir, la transmission des savoirs de base, est éludé.
Pour ces critiques, ces mots de Noam Chomsky sonnent justes :
« Si vous vous dites « Il est trop difficiles de traiter les véritables problèmes », il existe de nombreuses façons d’éviter de le faire. L’une d’entre elles est de poursuivre des chimères qui n’ont pas réellement d’importance. Une autre façon de faire consiste à adhérer à des cultes académiques qui sont coupés de toute réalité et qui permettent de ne pas faire face au monde tel qu’il est. »
Bien que toutes les théories ne sont pas accessibles au non spécialiste, pour ce qui est de la théorie du genre, contrairement à la théorie de la relativité restreinte ou à la physique quantique, elle ne requiert aucun prérequis et son versant descriptif est aisément compréhensible.
Que nous dit donc cette théorie dite « du genre » ?
Cette théorie ne présentant pas de complexité particulière, nous la décrirons très simplement.
Afin d’en saisir en quelques minutes la substance, il convient de nous attacher au concept d’identité.
Trois types principaux d’identités sont considérés par la théorie du genre :
1°) L’identité biologique selon le sexe : Elle dépend du type d’appareil génital soit mâle ou femelle. Pour simplifier la présentation, nous laisserons de coté les autres catégories (hermaphrodites…) ainsi que la différence rare entre sexe génétique et sexe anatomique.
2°) L’identité selon le genre (genre mental) : Il s’agit de la manière personnelle dont chacun se représente son genre : Le sentiment d’être une femme, d’être un homme, d’être ni une femme ni un homme…
A titre d’exemple, le terme « cisgenre » s’applique pour une personne dont le genre biologique et le genre mental sont en adéquation.
3°) L’identité résultant de l’orientation sexuel
La combinaison de ces trois types d’identité permet de mieux cerner la diversité.
Ainsi, une personne disposant d’un appareil génital masculin peut se sentir femme et dans le même temps être attirée à la fois par des femmes et par des hommes.
A ce stade, la théorie est purement descriptive et ne peut donc faire l’objet que de critiques techniques.
Cependant, un postulat peu contestable de la théorie du genre, puisqu’il parait évident, encore de nature descriptive, est le suivant :
Les parents assignent consciemment ou inconsciemment un genre à leur enfant doublé du stéréotype de genre en phase avec son identité biologique.
Pour les activistes LGBT, le nœud du « problème » est là.
A titre d’exemple et au grand dam des activistes, à un petit enfant disposant d’un appareil génital féminin, les parents assigneront généralement une identité de genre féminine auquel des stéréotypes féminins seront attachés.
La question de l’assignation du genre correspond au point de bascule entre théorie descriptive et théorie potentiellement normative donc non scientifique puisque relevant d’un choix idéologique.
L’injonction normative est la suivante :
Il est impérative d’inciter les parents, les enseignants, les animateurs, à ne pas assigner de stéréotypes de genre aux enfants (ce qui revient à ne pas leur assigner de genre).
Une telle injonction serait justifiée par le fait que la prédominance statistique des cisgenres (personne dont l’identité de genre est en adéquation avec le sexe biologique) ne serait pas naturelle mais résulterait de ces assignations conscientes ou inconscientes qu’il convient de stigmatiser et de réduire.
En suivant cette logique, les parents devraient vêtir l’enfant disposant d’un appareil génital masculin tantôt d’une robe ou d’une jupe tantôt d’un pantalon afin de laisser l’enfant découvrir librement son propre genre dont la correspondance avec l’identité biologique ne devrait pas être considéré comme allant de soi.
Ainsi un petit garçon pourrait plus facilement se découvrir l’identité de genre féminine qui lui serait propre et ainsi adopter les stéréotypes du comportement féminin.
Finalement, l’identité de genre devient l’objet d’une essentialisation au détriment de l’identité biologique.
Incidemment, une première aporie apparait.
Les stéréotypes devraient être bannis, mais seulement dans un premier temps, c’est-à-dire pendant l’enfance, afin d’éviter que les parents n’assignent eux même une identité de genre à leurs enfants systématiquement en rapport avec leur identité biologique.
En revanche, l’adulte doté d’un organe génital masculin qui se représente « femme » serait invité à assumer et à revendiquer son appartenance au genre féminin à travers l’adoption des stéréotypes de genre féminin (robes, talons hauts, goût pour la mode…).
En réaction à ce type d’injonction normative qui par ailleurs ne procède même pas de lois votées par les représentants du peuple, on peut citer Paul Feyerabend, lequel affirmait :
« Il revient aux citoyens de choisir les traditions qu’ils préfèrent »[i]
Cette vision est finalement très sage lorsque l’on a compris que les traditions sont le résultat d’une longue évolution, d’une longue suite d’ajustements le plus souvent imperceptibles et ont permis aux sociétés de se développer et de se maintenir en choisissant leur propre chemin.
Cependant, pour le chercheur en sciences sociales militant et/ou issu d’une minorité agissante, édicter des théories hybrides, c’est-à-dire doté d’un corps descriptif et/ou explicatif et d’une pointe normative est un but légitime que l’application du concept d’ingénierie sociale doit permettre d’atteindre.
Il s’agira finalement pour le chercheur militant parfois lui-même issu du groupe que la théorie qu’il promeut sert à défendre, de créer du « normatif » pour adapter le monde à lui-même.
« L’homme qui est raisonnable s’adapte au monde ; celui qui ne l’est pas essaie d’adapter le monde à lui-même ; c’est pourquoi tout progrès dépend de ce dernier. » disait George Bernard Shaw, négligeant un aspect moins positif ayant trait à la personnalité de certains activistes.
Rappelons que l’activisme ou « activité de substitution » était cité dans le DSM-IV (American psychiatric association) avant qu’il en soit extrait.
Dans l’ouvrage de référence intitulé « Les mécanismes de défense du moi », l’activisme d’un point de vue clinique est défini comme il suit :
« Gestion des conflits psychiques ou les situations traumatiques externes par le recours à l’action à la place de la réflexion ou du vécu des affects ».[ii]
Ainsi, l’individu névrosé projette ses névroses sur la société, essaye d’adapter la société à lui-même tout en revendiquant le droit de ne pas s’adapter.
En conclusion de ce premier développement, il importe de rappeler clairement l’objet du débat, lequel se résume principalement en une question :
L’école doit-elle servir à diffuser l’idée que l’assignation d’un genre en adéquation avec l’identité biologique (anatomique) , notamment par les parents, les professeurs et les éducateurs, devrait être évitée ?
La théorie du genre ayant été présentée aussi bien dans ses aspects descriptifs qui n’appellent pas d’observations que dans son aspect normatif qui lui pose problème, il convient de se poser la question de ses effets.
Evidemment, ce type de théorie dans son aspect descriptif est de nature à réduire les discriminations à l’encontre des personnes non-cisgenres au détriment parfois des personnes cisgenres dont certains voudraient réduire l’influence sociétale.
Cependant, l’exposition de cette théorie, est susceptible de générer du doute et du trouble chez les jeunes enfants, voire même de les influencer.
Il conviendra d’étudier l’impact de la diffusion des idéologies autour du changement de sexe et de la « dysphorie de genre » sur les enfants.
L’enfant étant invité à se déterminer seul, il sera tenté de s’auto-diagnostiquer lui-même.
De la même manière que la doxa constructivisme, qui a fait tant de dégâts dans l’éducation nationale, impose à l’enfant de construire seul son savoir, l’idéologie LGBT invite l’enfant à construire seul son identité de genre après avoir ingurgité une théorie complexe eu égard à son âge.
Il pourra ensuite être tenter de banaliser la perspective d’une opération qui viserait à modifier son sexe anatomique pour le faire correspondre au genre qu’il aura choisi.
Ceci étant dit, revenons sur l’argument principal des partisans de l’exposition de la théorie du genre dès l’école primaire :
« Que l’on informe les enfants de la complexité du genre, est une bonne chose qui devrait pouvoir éviter des violences et des souffrances inutiles.«
Selon moi, le choix d’une telle conception n’est pas opportune.
En effet, si l’enfant n’entrevoit pas la complexité du concept de genre et/ou de sa diversité et ne s’est jamais posé de questions sur ce sujet, pourquoi lui en parler dès l’école primaire et ne pas attendre la fin du collège ou le lycée.
Pourquoi risquer de troubler un esprit qui ne ressent aucun trouble.
La philosophie des sciences nous apprend qu’il n’existe pas de faits sans théorie et sans un langage d’observation spécifique associé à cette théorie.
Certains universitaires activistes ont bien compris que des théories particulières, téléologiques, qu’on appellera militantes peuvent être conçues spécialement pour produire des faits capables de soutenir les buts (teleos) sous-jacents de leurs auteurs.
La théorie des micro-agressions, représente l’archétype de ce type de procédé comme le démontre l’article ci-dessous :
Encore une fois, les faits ou les énoncés d’observation sont toujours chargés de théorie (theory laden).
Et contrairement à ce que peut penser l’inductivisme naïf, une théorie génère des faits.
Par ailleurs, une théorie qui génère de la complexité n’est pas adaptée à de simples écoliers. On ne peut construire une maison en commençant par le toit. De même, on imagine mal que l’on puisse enseigner la physique moderne avant la physique classique.
Avant d’inséminer des théories complexes (pour les enfants) dans leurs cerveaux, il convient donc d’apprendre à nos enfants à multiplier les schèmes de pensée et à ne jamais se contenter d’une seule théorie, et ce, afin qu’il puisse apprendre à réfléchir par eux mêmes.
Le fait de parents se représentant comme « progressistes » désireux de vêtir leur garçon en jupe pour aller à l’école pourrait multiplier des objets de curiosité d’interrogation contribuant ainsi à produire du doute, du trouble et à influencer les petits élèves quant à la représentation qu’ils se font de leur genre, les incitant à réfléchir sur leur identité de genre, même si à première vue, celle-ci leur paraissait aller de soi.
Selon une expression courante, il est très facile de mettre des araignées dans la tête des gens mais très difficiles de les enlever surtout lorsqu’ils s’agit de cerveaux d’enfants qui se cherchent.
Un autre effet, plus politique, que l’on peut aisément anticiper serait une forme de méfiance vis-à-vis de l’institution scolaire voire même de retrait des enfants de l’école publique au bénéfice des écoles confessionnelles.
Enfin, la diffusion de la théorie du genre et de son versant normatif, constitue du véritable pain béni pour les tenants de l’islam politique, c’est-à-dire de l’islam normatif.
Ainsi, les musulmans modérés pourraient être tentés de préférer cet islam normatif promu par les salafistes et les séparatistes, qui pour eux aurait au moins le mérite de préserver un noyau sociétal menacé par des idéologies néo-progressistes hors sol.
[i] Paul Feyerabend, « Adieu la Raison »
[ii] Amazon.fr – Les mécanismes de defense : Theorie et clinique – Ionescu, Serban, Jacquet, Marie-Madeleine, Lhote, Claude – Livres